Les actus de Made in Midi

 

ARRIVEE RDR2022

Route du Rhum : Kito, hors normes

Publiée le : 26 novembre 2022

Quel dénouement ! À l’issue du périlleux tour de la Guadeloupe, Kito de Pavant termine aux portes du ‘top 10’. Une sacrée performance à bord d’HBF - Reforest’Action, un Class40 de 2014 qui est parvenu à tenir la dragée haute face aux nouveaux bateaux à bouts ronds, terriblement efficaces. Il conclut ainsi sa 4e participation à la Route du Rhum – Destination Guadeloupe après être parvenu à batailler tout au long de la course parmi les meilleurs.

Il est allé au bout de son aventure, a contourné la Guadeloupe et résisté à ses dévents puis savouré, enfin, le plaisir simple de poser pied à terre. À 61 ans, Kito de Pavant poursuit, grâce à sa capacité à ne rien lâcher et un sacré sang-froid, l’écriture de son histoire commune avec la Route du Rhum. La plus iconique des transatlantiques a été un des marqueurs de sa vie : un rêve à 17 ans, une découverte à 50 ans et quatre éditions au compteur.

Un « rodéo » au goût d’embruns

 Pour sa 4e participation, le skipper d’HBF – Reforest’Action n’a négligé aucun détail. Surtout, il a navigué sans compter, multipliant les courses et les challenges. Au total, lui qui a remporté le premier Trophée Méditerranée Class40, il a cumulé plus de 7000 milles cette année avant de mettre le cap vers Saint-Malo. Puis, c’est enfin l’heure du grand départ, les 138 bateaux sur la ligne, une vingtaine de nœuds pour s’élancer, un ciel clair. « C’était tonique ».

Le marin compare le contournement de la Bretagne à un « rodéo », la faute à la dureté des chocs contre les vagues. Puis, place aux passages de fronts, particulièrement virulents, à une mer croisée, déchaînée et des rafales de vent qui dépassent l’entendement. « Je me bats, je suis en tenu de combat », écrit Kito. Il faut attendre d’atteindre la latitude du Portugal pour se préparer « un vrai repas, ce qui était impensable jusque-là ». La suite, c’est un lundi noir, des rafales à 40 nœuds et « des avaries en escadrille » : casse de l’amure de J2, chariot d’écoute arraché, poulie principale du palan de grand-voile endommagée, cloison à l’avant du mât déchirée. « J’ai perdu pas mal de milles mais je suis en course », souligne Kito.

« Le bateau est vieux, le marin aussi »

Le skipper fait route vers le Sud, dépasse les Açores, déguste un « poulet basquaise qui me narguait depuis le départ », et conserve sa place autour du 15e rang. C’est un exploit en soi, tant les nouveaux bateaux sont nombreux, 26 au total sur la flotte des 55 Class40. « Le bateau est vieux, le marin aussi », s’amusait un jour Kito lors de la vacation. Certes, son Class40, un plan Verdier, a été construit en 2014 mais le marin et son équipe se sont attachés à le fiabiliser et à le rendre plus performant pour rivaliser avec les ‘scows’. Au printemps 2021, ils le dotent d’une nouvelle étrave pour que « Kito ait la capacité de se faufiler et de disposer d’un bateau passe-partout », dixit l’architecte Guillaume Verdier, qui est associé au projet d’alors.

Un an plus tard, au cœur de l’Atlantique, le Méditerranéen démontre non seulement les performances du bateau mais aussi sa résistance face à des conditions particulièrement rudes. Il fait preuve d’un sacré sens marin et d’une analyse précise de la météo, pour une trajectoire particulièrement efficace. Souvent, HBF - Reforest’Action affiche 1 à 2 nœuds de moins que ses plus proches rivaux mais, en faisant preuve de malice et d’audace, il reste dans le match dans le premier tiers de la course. 

Le ‘top 10’, un objectif ambitieux, inespéré… et pourtant !

Ensuite, les températures se réchauffent enfin, le soleil se fait plus généreux, les t-shirts sont préférés aux cirés et le spi est déployé. Certes, il reste des frayeurs, à l’instar d’un concurrent « qu’il a failli percuter » (l’Italien Andrea Fornaro), l’amure de spi qui refait des siennes, le « pilote auto qui montre quelques signes de fatigue inquiétants ». Mais Kito bricole, résiste et poursuit sa progression, poussé par les alizés.

Ces jours à se rapprocher de la Guadeloupe permettent de profiter un peu plus. « Par ici, il n’y a pas grand monde pour me contredire et c’est un privilège, rare, qu’il convient de ne pas bouder », s’amuse Kito. À chaque jour ses anecdotes : « une énorme boule de feu verte » qui traverse la nuit noire, une discussion à la VHF avec Loïc Escoffier, un rorqual qui tourne autour du bateau… En cette fin de course, il convient de veiller aux grains parfois très virulents, provoquant quelques vracs, le bateau qui se couche et quelques sueurs froides. Ces derniers jours-là sont légèrement stressants : la hâte d’arriver se mêle à la nécessité de préserver le bateau. D’autant que dans le même temps, Kito lorgne sur le ‘top 10’, un objectif ambitieux, inespéré, en bataillant avec Nicolas d’Estais (HappyVore- Café Joyeux) puis Axel Trehin (Project Rescue Ocean) à l’approche de la Guadeloupe. Une ultime bataille pour finir en beauté, autour de ces côtes où la météo est si capricieuse. 

SA RÉACTION À CHAUD

« Ce verre de Rhum à l’arrivée, il se mérite, il se mérite vraiment ! C’est trop bon quand ça s’arrête. C’était une transatlantique difficile, du début jusqu’à la fin, il n’y a pas eu de répit. On a eu du vent tout le temps, au moins 20 nœuds en permanence et on a tiré sur la couenne des bonhommes et des bateaux. Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace mais j’ai trouvé qu’il y avait plein de difficultés, tout le temps. L’objectif que je m’étais fixé, c’était de rentrer dans les dix premiers. Ça paraissait très ambitieux, vu l’armada des scows qui était au départ. On voit qu’on ne joue pas dans la même catégorie : il y a eu des conditions très favorables à ces nouveaux bateaux avec du vent fort.

Et puis il y a eu de la mer, croisée qui a usé les bateaux et la tête des skippers. Il fallait tenir le coup et ce n’était pas agréable. J’avoue que dès qu’il y a eu une petite tangente vers le sud, je l’ai prise. Je termine 11e, certes, mais ça veut dire qu’il y a 44 skippers derrière, c’est pas mal ! »

SA COURSE EN CHIFFRE

Arrivé ce vendredi 25 novembre, à 19h45mn45sec locale (00h47mn45sec, heure de Paris)
11e sur 55 Class40 au départ
Temps de course : 16 jours 10 heures 30 minutes 45 secondes
Le skipper de HBF-REFOREST'ACTION a effectué les 3 542 milles du parcours entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre à la vitesse de 8.98 nœuds sur l’orthodromie (route directe). Il a en réalité parcouru 4 002.81 milles à la vitesse moyenne de 10.15 nœuds.
Il est arrivé à Pointe-à-Pitre 2 jours 7 heures 22 minutes 5 secondes après le vainqueur en Class40, Yoann Richomme.