Made in Midi
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Kito de Pavant à bord du Marion Dufresne
© Mme Anne RECOULES - TAAF
Kito de Pavant a été secouru cette nuit, vers 2h (heure de Paris). Le jour se levait sur zone, au Nord des îles Crozet par 44° Sud. Le vent soufflait à force 6-7 et la mer était agitée. Kito va bien mais il est extrêmement déçu et fatigué. Le Marion Dufresne, navire en charge du ravitaillement des Terres Australes et Antarctiques Françaises, était arrivé sur zone vers 17h30 (heure de Paris) hier, mais la nuit tombait. Il est donc resté à proximité de Bastide Otio pendant que Kito patientait à l’intérieur en attendant de meilleures conditions pour le sauvetage.
« On a de la chance dans notre malheur, Le Marion Dufresne était sur zone. Il n’y est pas souvent, il y est 4 fois par an ! C’est ce que j’ai appris ce matin. On a une chance incroyable d’avoir ce bateau ! En fin de nuit je n’arrivais plus à étaler les voies d’eau. Il y avait les planchers qui montaient, qui flottaient. Les conditions devenaient intenables à l’intérieur du bateau. Ça a été dur de quitter Bastide Otio, de l’abandonner au milieu de nulle-part, dans ces contrées qui sont quand même très inhospitalières. Ça fait mal au cœur mais c’était la seule solution possible. Je n’avais plus d’énergie, les batteries étaient quasiment à plat et je n’avais plus de quoi les recharger puisque le moteur était sous l’eau.
Le puits de quille était très endommagé. Il y a une partie du fond de coque qui est partie avec le palier arrière de la quille. Donc les dégâts étaient quand même très très importants et puis surtout, le vérin de quille qui tenait la quille un mètre plus bas déchirait la coque en latéral sur plus d’un mètre. C’était assez sinistre de voir le bateau dans cet état-là. Je crois qu’il n’y avait vraiment pas d’autre solution que d’évacuer parce que ça devenait trop dangereux pour moi. Le risque que ça s’aggrave était imminent.
Je suis en sécurité sur le Marion Dufresne. Il arrive de la Réunion pour faire la tournée des îles. Nous sommes en direction des îles Crozet où on va rester quelques jours puis les Kerguelen, Amsterdam… Je suis pour trois semaines sur le navire de ravitaillement des TAAF.
Ça a été un choc très net. C’était il y a quasiment 24h, je marchais entre 15 et 20 nœuds. Il y avait 25 à 35 nœuds sur zone. J’étais prudent, pas trop rapide, très abattu pour être en phase avec le vent. Je devais avancer à 18 nœuds quand j’ai tapé quelque chose. Quoi, je ne sais pas. J’ai entendu un gros bruit sec donc j’ai pensé à quelque chose de dur. J’ai regardé tout de suite à l’arrière du bateau mais je n’ai rien vu sortir. Peut-être que ce que j'ai entendu était le crash sur le bateau… Le choc a cassé la partie arrière de la quille et de la coque à ce niveau-là et le palier arrière est parti. Quand je suis allé voir, la quille était encore accrochée, mais après avoir enroulé la trinquette pour ralentir le bateau, la quille est descendue d'une dizaine de centimètres. Après ça n’a fait que s’aggraver au fil du temps. Je ne pouvais pas intervenir.
La première chose que j’ai faite c’est d’arrêter le bateau. J’ai essayé de virer de bord pour changer de cap, en me disant que la seule solution si ça tient c’est de s’écarter et remonter au Nord. Très vite je me suis aperçu que le bateau ne pouvait plus avancer. J’ai affalé la Grand Voile et appelé la direction de course très rapidement puis on a contacté le MRCC. On est tombé sur le Marion Dufresne qui était à 110 milles au Nord et qui descendait vers Crozet, donc c’était le bateau qu’il fallait. Il n’y avait pas d’autre alternative à part Louis Burton qui pouvait arriver demain matin sur zone. Mais je n’aurais plus eu d’énergie, plus grand-chose pour survivre dans le bateau. Je m’estime heureux. C’est terrible de laisser Bastide Otio là, sur place, parce qu’on perd beaucoup dans cette histoire. C’est triste. C’est la première fois que je perds un bateau, j’ai toujours ramené mes bateaux quelque part et puis là ben on va le perdre…
Je suis surtout marqué moralement. Physiquement ça va je n’ai rien. Je suis fatigué parce qu’il y a la tension mais c’est surtout moralement que je suis un peu à plat. C’est dur, c’est super dur… J’avais envie de sauver le bateau mais il a fallu se rendre compte qu’il fallait d’abord sauver ma peau. Bastide Otio était trop abimé pour que je puisse rester à bord. »
Jacques Caraës (Directeur de Course du Vendée Globe) :
« Kito, je comprends ton amertume. Nous étions vraiment très soulagés de constater ta maîtrise de la situation quand nous t'avons eu au téléphone. Cela a été un moment important de savoir que tu n'étais pas dans le stress avec une avarie aussi lourde dans cette zone désolée. Nous avons été beaucoup plus sereins grâce à toi. Merci ! On pense très fort à toi. »